Dans une société patriarcale, l’identité du genre masculin est souvent forgée par des stéréotypes d’une violente toxicité. On impose un modèle de masculinité dominante, gagnante et oppressante aux bébés dès leur naissance. Les comportements, les langages et les actes finissent progressivement par se conformer à cet idéal de virilité macho qui exclut la vulnérabilité et la dépendance. Toute éventuelle référence à la féminité est bannie avec agressivité, car elle est considérée comme une menace contre l’affirmation totale d’un prototype masculin ne tolérant aucune divergence.
Cette dérive n’a rien de naturel. Le modèle est socialement et culturellement construit pour rejeter tout ce qui ne s’y conforme pas, et ce avec de graves conséquences. En fait, la masculinité toxique alimente les comportements abusifs, violents et sexistes, mais ce n’est pas tout. Elle condamne les hommes eux-mêmes à se conformer à la virilité phallocrate qu’on leur impose pour être acceptés socialement. Autrement dit, la masculinité toxique produit à la fois des oppresseurs et des victimes.
Il semble donc nécessaire de suggérer une désertion, un abandon des plans et des uniformes patriarcaux. De déconstruire l’idée de la masculinité telle qu’elle a été établie historiquement. D’ouvrir la cage. De lancer un chant. Il est temps de célébrer un homme libre d’exercer son autodétermination, sans contraintes sociales, sans sanctions autoritaires, sans stéréotypes étouffants. Un homme capable de reconnecter avec l’essence de sa fragilité, avec ses tremblements et sa tendresse. Un homme à genoux devant le lâcher-prise qui honore la peur et ses épines. Un homme plein de bonté et d’attentions. Un homme qui compte sur les autres, qui brise le mythe de l’autosuffisance. Un homme qui est aussi une sœur, une mère, une fiancée. Un homme empli de confusion, qui refuse de faire couler le sang et de céder au désarroi de la nostalgie. Un homme qui complique le tissage de ses propres liens affectifs en s’ouvrant à des relations non hiérarchiques. Un homme bébé, capable de faire des sauts périlleux avec audace et espièglerie, qui s’émerveille quand le monde devient neuf. Un homme porteur de chaînes brisées.
Il ne s’agit pas de proposer un nouveau modèle normatif, mais plutôt de s’affranchir de ce qui était forcé. De rompre un ordre symbolique qui n’a plus d’utilité aujourd’hui. De nourrir un champ des possibles où le masculin peut se défaire de sa toxicité pour regagner librement ce dont il a été privé. Et, ce faisant, de remonter le temps en apprenant à désapprendre.