« IL SEMBLE PARFOIS QUE LE MOT INTIMITÉ PORTE EN LUI UN HALO DE SENS L’ASSIMILANT À UNE PROMESSE D’AUTHENTICITÉ, CELLE D’UN ESPACE PROTÉGÉ DANS LEQUEL IL SERAIT FINALEMENT POSSIBLE DE TOUCHER LA VÉRITÉ ENFOUIE DES ÊTRES, DERRIÈRE CES HABITS QUE SONT LES UNI-FORMES DU PARAÎTRE. » (R. MÀDERA)
MAIS POUVONS-NOUS RÉELLEMENT ENTRER EN CONTACT AVEC NOTRE MOI VÉRITABLE, EN NOUS ÉLOIGNANT DE LA SUPERFICIE DES CHOSES ? EST-IL POSSIBLE DE CONCEVOIR L’INTIMITÉ COMME UNE CLÉ DONNANT ACCÈS À UN NOYAU PROFOND DE VÉRIDICITÉ, PAR OPPOSITION AUX MASQUES QUE LA SOCIÉTÉ DE MASSE SEMBLE NOUS IMPOSER ?
UNE TELLE EXALTATION DE L’INTIMITÉ COMME REFUGE ME SEMBLE IMPLIQUER UNE ILLUSION DANGEREUSE : LA TENTATIVE DE RECHERCHER UNE SOLIDITÉ ET UNE PERMANENCE IDENTITAIRE DANS LE FLUX CHANGEANT DE NOS EXISTENCES ; LE DÉSIR INAVOUABLE DE RAMENER À L’UNITÉ LE KALÉIDOSCOPE IRRÉDUCTIBLE ET CONSTITUTIVEMENT MULTIPLE DE NOTRE MOI.
NOUS DEVRIONS LE SAVOIR : NULLE INTIMITÉ NE PEUT SE METTRE À NU DE FAÇON DÉFINITIVE, AUCUN VOILE NE SAURAIT ÊTRE DÉCHIRÉ DE SORTE À NOUS METTRE FACE À NOTRE VÉRITABLE MOI. PARCE QUE L’IDÉE QU’IL POURRAIT Y AVOIR UN SOI AUTHENTIQUE, IMMUNISÉ CONTRE LES DÉTERMINATIONS DE LA VIE, EST UN LEURRE.
IL FAUT PLUTÔT COMPRENDRE QUE MÊME L’INTIMITÉ LA PLUS PROFONDE EST, EN FIN DE COMPTE, UN THÉÂTRE. OU MIEUX, UN MÉTA-THÉÂTRE DANS LE THÉÂTRE DE L’EXISTENCE : UN ESPACE-TEMPS SITUÉ EN COULISSES QUI, EN RÉALITÉ, REVÊT LES TRAITS D’UNE MISE EN SCÈNE JAMAIS ACHEVÉE. UNE REPRÉSENTATION MYSTÉRIEUSE ET PLURIELLE DANS LAQUELLE NOUS DÉCIDONS DE NOUS CONFRONTER À LA PLUS GRANDE DES QUESTIONS : QUI SOMMES-NOUS ?
CONSIDÉRER L’INTIMITÉ COMME UN ESPACE MÉTA-THÉÂTRAL NE REVIENT PAS À EN NIER L’IMPORTANCE. IL S’AGIT, PLUTÔT, « D’ÔTER PLUSIEURS COUCHES SANS PRÉTENDRE JAMAIS TROUVER UN NOYAU, UNE ESSENCE CACHÉE ET, POUR CETTE RAISON, PLUS VRAIE QUE LA MISE EN SCÈNE DE L’EXTÉRIORITÉ, DU JEU DES RÔLES, DE LA DISSIMULATION. » (R. MÀDERA)
LUDWIG WITTGENSTEIN AVAIT DÉJÀ DÉCONSTRUIT L’OPPOSITION ENTRE SURFACE ET PROFONDEUR, METTANT EN ÉVIDENCE LA FAÇON DONT L’EXTÉRIORITÉ INCORPORAIT TOUT CE QUI EST PROFOND. CELA, PAUL VALÉRY PARVENAIT À LE DIRE POÉTIQUEMENT : « CE QU’IL Y A DE PLUS PROFOND DANS L’HOMME, C’EST LA PEAU. » MAIS NOUS VOUDRIONS ÉGALEMENT TIRER ICI LE RAISONNEMENT DANS LA DIRECTION OPPOSÉE. NON SEULEMENT LA SURFACE EST-ELLE PROFONDE, MAIS C’EST LA PROFONDEUR MÊME QUI DOIT ÊTRE CONÇUE COMME UNE STRATIFICATION DE SURFACES. (M. PERNIOLA)
À PARTIR DE CES PRÉMISSES, J’AI IMAGINÉ DES TOILETTES PUBLIQUES : UN CONTRE-LIEU QUI NEUTRALISE ET SUSPEND LE DUALISME ENTRE INTÉRIEUR ET EXTÉRIEUR, ENTRE CE QUI EST INTIME ET CE QUI EST EXPOSÉ, ENTRE LE PERSONNEL ET LE COLLECTIF, ENTRE CE QUI DEMEURE PRIVÉ ET CE QUE L’ON DÉSIRE PARTAGER, ENTRE PROFONDEUR ET SURFACE. UNE HÉTÉROTOPIE SPATIALE (M. FOUCAULT) DANS LAQUELLE LE RITUEL DES SOINS INTIMES MET RÉSOLUMENT EN SCÈNE SA DIMENSION MÉTA-THÉÂTRALE.
IL EN RÉSULTE UN ESPACE DYSTOPIQUE, PERTURBANT, LYNCHIEN : UN LIEU MOMENTANÉMENT AUTONOME À L’ÉGARD DE LA CODIFICATION DES NORMES, ORGUEILLEUSEMENT POLITIQUE PARCE QUE POTENTIELLEMENT CAPABLE DE SUBVERTIR TOUTE ESPÈCE DE CLASSIFICATION RIGIDE ET BINAIRE. UN ESPACE D’APPARITION (H. ARENDT) DANS LEQUEL L’INTIMITÉ REPREND SA FONCTION DE CONSTRUCTION IDENTITAIRE, ENTRE HABILLEMENT ET DÉSHABILLEMENT. LOIN DE TOUTE POSTURE ESSENTIALISTE.
ALESSANDRO